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Déclaration de l’Assemblée du Peuple jeudi 26 septembre 2019

 New York, 24-25 septembre 2019

Le monde s’embrase. Nous vivons dans un monde marqué par l’inégalité radicale, l’urgence climatique, des droits humains en crise et un espace civique en berne où la violence est mise en œuvre de façon toujours plus prolongée et normalisée. Nous vivons dans un monde où se joue une crise de responsabilité et de gouvernance. En 2019, au terme du Sommet de l’Assemblée Générale des Nations Unies, nous sommes attristés  par le manque persistant de volonté politique et de leadership pour ne serait-ce que commencer à se préoccuper de ces questions.Ce n’est pas suffisant. C’est un échec.
Nous sommes plus de 300 délégués, représentant des milliers de mouvements et d’organisations populaires, et des millions de personnes à travers le monde.
Nous ne devrions pas avoir besoin d’une Assemblée Citoyenne parallèle à l’AG de l’ONU, au Sommet Action Climat et au Sommet des Objectifs de Développement Durable. L’AG des Nations Unies et ses États membres devraient être au service de leurs populations, et non pas travailler à se renforcer eux-mêmes. Nous nous rassemblons parce que nos voix ne sont pas entendues, on nous dénie l’accès à une participation significative, nos recommandations ne sont pas prises en compte. Dans certaines régions nous n’avons même pas droit à l’information, à une presse libre, à nous exprimer.
Nous vivons dans un monde ou les  communautés et de mouvements populaires porteurs de valeurs, défenduent avec courage et détermination leurs opinions. La société civile ne tolèrera  plus l’échec politique continu, ni les accords qui n’engagent pas les gouvernements et prolongent les occupations et transactions usuelles en lieu et place d’une transformation systémique.Tout en réitérant notre offre de travailler aux côtés des gouvernements, nous interpellerons ceux-ci et nous leur demanderons des comptes, car si nous sommes debout, et unis en faveur des gens et de la planète. Nous ne laisserons pas notre monde se consumer nous allons nous battre pour protégerons nos enfants et les personnes marginalisées, et nous ferons face  à  tous et toutes  les détenteurs et détentrices  de droits; pour protéger notre propre droit à un espace civique, à la démocratie et à la participation politique. Les voix et l’implication des jeunes sont cruciales pour atteindre ces objectifs.Les processus et le leadership politiques doivent dès maintenant être mis au service des peuples et de leur résilience.Au moment même où ces lignes sont lues, des militants et militantes et défenseur·e·s des droits humains et environnementaux sont assassiné·e·s; l’Amazonie, les forêts d’Afrique centrale et de Sibérie – les poumons du globe – sont en train de brûler. Les inégalités, la pauvreté, les discriminations et les exclusions s’entêtent et persister avec plus de 730 millions de personnes vivant toujours dans l’extrême pauvreté, 1.1 milliard sans accès à l’électricité, 2,7 milliards sans accès à des équipements de cuisine propres et plus de 820 millions souffrant chaque jour de la faim. Et pas moins de 260 millions de personnes à travers la planète souffrent d’exclusion quotidienne et de discriminations fondées sur l’appartenance supposée à une caste ou à une ethnie; une fraction disproportionnée d’entre elles sont des femmes et des filles, qui en plus subissent des violences banalisées et normalisées, des féminicides.  Notre système économique global conduisant à l’échec la majorité des populations, nous demandons un changement fondamental de structure et de système qui va servir à toutes et tous et non pas quelques un·e·s, et quui place les personnes et la planète au-dessus des corporations, de l’avidité et du profit.
Le monde est au cœur d’une crise climatique et nous sommes confronté·e·s au danger imminent d’extinctions de masse, avec une perte sans précédent d’écosystèmes et de biodiversité. Il y a d’ores et déjà des impacts irréversibles et sévères sur les vies des personnes et sur leurs moyens de subsistance, les plus gravement impacté·e·s ne sont pas  celles et ceux qui ont contribué pour grandement  à cette crise, mais qui ceux  sont les plus marginalisé·e·s et les plus appauvri·e·s : en particulier les femmes, les Peuples Indigènes, les personnes de couleur, les jeunes et les personnes âgées, les personnes en situation de handicap et celles vivant avec le VIH.
Sur toute la surface du globe, des populistes d’extrême-droite, des nationalistes et des groupes extrémistes mobilisent les populations dominantes pour attaquer les plus vulnérables. Les valeurs démocratiques sont sous pression du fait de quelques hommes forts qui attaquent de manière irresponsable la société civile et les médias, avec des méthodes inédites – et souvent brutales. Pour améliorer l’état de la démocratie au niveau national, nous en tant que société civile devons développer et favoriser de nouveaux standards d’organisation électorale, des institutions qui soient libres de tout pouvoir politique et soumises au contrôle démocratique, et de nouveaux standards pour veiller à ce que les périodes électorales ne soient plus le théâtre de la désinformation et d’ingérences illicites.
Nos priorités: L’Assemblée du Peuple a identifié les défis les plus urgents auxquels notre monde doit faire face – nous demandons à ce que les personnes haut placées agissent sur ces priorités mondiales, qui affectent chaque créature vivant sur la planète.
GUERRE ET PAIX
A l’heure actuelle, 40 pays traversent un conflit actif. Des troubles sont apparus dans 92 pays au cours de la dernière décennie.[1] La violence fait 1,6 million de morts chaque année dans le monde. [2] Ces problématiques, qui sont liées à l’ODD 16, sous-tendent tout l’Agenda 2030. Les progrès sur l’ODD 16 ont été lents et dans de nombreux cas se sont mus en régressions.Progresser sur l’ensemble de l’Agenda 2030 requiert des sociétés en paix, sans conflit, avec des institutions responsables et transparentes, et des systèmes judiciaires qui fonctionnent.
La rencontre réaffirme son soutien et son approbation de la Déclaration de Rome de la Société Civile sur l’ODD 16+, qui appelle à accélérer l’actionPour cela, il s’agit d’engager à tous les niveaux des parties prenantes plus variées, afin de les consulter au sujet des processus de paix, de justice et de gouvernance  ; en incluant les personnes les plus marginalisées, y compris les femmes et les filles, les jeunes, les minorités, les personnes en situation de handicap, les LGBTQI, les personnes vivant avec le VIH et celles discriminées en raison de leur travail ou de leur ascendance. La société civile doit s’unir pour riposter à la marée montante du nationalisme et des tendances autocratiques, aux inégalités structurelles et à la marginalisation qui augmente les risques de violence et de conflit.
Nos requêtes:
Nous appelons la communauté internationale, qui comprend les États, les acteurs multilatéraux et la société civile, à:
  • Adopter les recommandations de la Déclaration de Rome
  • Mettre en œuvre de manière significative et substantielle l’agenda Femmes, Paix et Sécurité (WPS, 1325),  en garantissant l’inclusion des femmes et des groupes de la société civile à tous les niveaux et sur toutes les voies des processus de pacification et de paix.
  • Traiter à leur racine les causes de conflit et de violence – comprenant l’inégalité structurelle, le nationalisme et la gouvernance autocratique – à travers un investissement et un engagement significatifs avec celles et ceux qui sont les plus en danger.
  • Améliorer tous les instruments et les espaces de dialogue pour soigner les blessures et prévenir les conflits, en favorisant une culture inspirée de la justice transitionnelle et restaurative.

CLIMAT ET ENVIRONNEMENT
Nous sommes en pleine urgence climatique. Nous sommes confronté·e·s au danger imminent d’extinctions de masse de nos écosystèmes, à la perte de biodiversité et même  davantage de souffrances humaines. Si nous continuons ainsi, nous n’atteindrons pas les engagements promulgués par les gouvernements dans l’Accord de Paris. Nous ne maintiendrons pas le réchauffement global en deçà de 1,5 degrés Celsius. Cela va précipiter 100 millions de personnes dans la pauvreté, défaisant le travail des ODDs.  Dans cette urgence climatique, celles et ceux qui sont sur la ligne de front sont celles et ceux qui ont le moins contribué à cette situation, et qui souvent font partie des communautés déjà les plus marginalisées et les plus appauvries. Ils et elles sont confronté·e·s à des conditions météorologiques extrêmes et imprévisibles, qui détruisent leurs moyens de subsistance, leurs habitats et leurs traditions. Il s’agit notamment des femmes, des jeunes, des Peuples Indigènes, des minorités, de celles et ceux confronté·e·s à des discriminations en raison de leur travail ou de leur ascendance, des personnes âgées, des personnes en situation de handicap ou vivant avec le VIH.
Bien que nous ayons toutes et tous à nous adapter et à nous tempérer, la principale responsabilité va à celles et ceux qui nous ont d’abord menés jusqu’ici. Les pays développés ont été négligents et eux ont la plus grande responsabilité à conduire le changement dont nous avons besoin de toute urgence. Eux ont la capacité technique et financière pour prendre les commandes et soutenir les pays en développement dans la transition vers des économies résilientes et sobres en carbone. Les ajustements graduels et les fausses solutions technologiques sont insuffisantes. Dans le système politique, économique et financier qui fonctionne aujourd’hui aux énergies fossiles, nous avons besoin de changements à forte magnitude. Il nous faut investir davantage dans l’adaptation et la résilience. Nous devons travailler à reprendre possession de nos systèmes alimentaires,  arrachés par les grandes multinationales de l’agrobusiness qui ont concentré terres et richesses dans toujours moins de mains et qui ont nourri le changement climatique, la déforestation et l’érosion des sols.
Prendre soin du climat et de l’environnement doit être une préoccupation intelligemment diffusée et répartie à travers tous les secteurs – public et privé – pour que l’ensemble de l’activité humaine sur Terre converge vers l’Accord de Paris.Les droits humains doivent être au cœur de notre travail sur le changement climatique. Il s’agit de reconnaître que différentes personnes sont confrontées à des fragilités aux spécificités uniques du fait des changements climatiques, et qu’elles ont des voix et des solutions tout aussi uniques à partager. Il faut également reconnaître les menaces spécifiques auxquelles sont confronté·e·s les défenseur·e·s de l’environnement, notamment les femmes. Il faut reconnaître le travail infatigable de celles et de ceux qui se trouvent en première ligne de l’urgence climatique dans la protection de l’environnement. Il ne peut y avoir de justice climatique sans justice de genre ni sans sauvegarde des droits des Peuples Indigènes, ou sans une transition juste qui construise la résilience en ne laissant personne de côté. Nous devons poursuivre les approches comme l’agroécologie, qui travaillent avec la nature au lieu de travailler contre elle, et remettre le pouvoir et la connaissance dans les mains des paysan·ne·s.
Nos requêtes:
Nous appelons tous les Gouvernements à :
  • Mettre davantage de moyens humains et financiers dans des programmes inclusifs sensibles au genre, comme les Contributions Déterminées au niveau National (NDCs), les Plans Nationaux d’Adaptation (NAPs) et les plans de Réduction des Risques de Catastrophe (DRR) et de résilience.
  • Garantir la place centrale des femmes et des groupes marginalisés dans les processus décisionnels et de mise en œuvre des NDCs et des plans NAPs, DRR et de résilience, y compris de la conduite des programmes. Ceci implique leur participation jusque dans la direction de projets.
  • Nous appelons celles et ceux qui, venant des pays développés, sont au regard de l’Histoire les plus gros émetteurs, à augmenter leur soutien financier dédié, notamment en faisant plus que doubler leurs engagements antérieurs dans le Fond Vert pour le Climat (GCF) ; à accélérer le transfert de technologies et la construction de la résilience, afin de soutenir des actions de réduction et d’adaptation inclusives, sensible au genre et centrées sur les droits humains engagées par les pays en développement . Ceci implique rendre le financement international pour le climat accessible aux organisations de la société civile et à celles et ceux qui sont sur la ligne de front de l’urgence climatique.
Nous appelons la communauté internationale (y compris les Nations Unies) à :
  • Rendre l’Accord de Paris légalement contraignant et développer un mécanisme exécutif concernant les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements.

INÉGALITE
Structures économiques
Les marchés financiers et les politiques économiques actuelles se soldent par l’incapacité des États à faire respecter les droits, à les protéger les conduire à leur pleine réalisation, les préserver contre les abus corporatistes, à garantir les conditions d’un commerce juste au niveau du genre, à redistribuer les richesses et le pouvoir, à garantir la résilience des personnes aux chocs, enfin à tenir les promesses de l’Agenda 2030. La concrétisation effective et démocratique des ODDs dépend d’une protection sociale universelle détenue et mise en œuvre par le secteur public, incluant les services publics, mettant fin aux risques et dommages corporels dans le monde du travail et garantissant l’accès à un travail décent, redistribuant le travail domestique et de soins effectué sans salaire par les femmes; elle dépend aussi de l’action pour la justice climatique et de son financement. Les systèmes de production et de commercialisation, tout comme la science et l’innovation technologique, doivent être cohérents avec la dignité humaine sur le long terme.
Nos requêtes :
Nous appelons les gouvernements et la société civile à :
  • Garantir que le commerce international et les investissements internationaux diminuent la pauvreté et préservent les moyens de subsistance des femmes, les droits à la terre, la souveraineté alimentaire et l’environnement naturel.
  • Développer des politiques fiscales à barème progressif et les procédures associées pour garantir la disponibilité d’un juste niveau de financement de services publics sensibles au genre ; renforcer les instruments de coordination internationaux pour empêcher l’évasion et l’optimisation fiscales ainsi que les flux illégaux via les paradis fiscaux.
  • Fournir les régulations de marché financier propres à éviter les effets pervers des marchés dérivés et des spéculations sur les prix des matières premières, qui affectent les conditions économiques de millions de petite·s paysan·ne·s ainsi que l’accès à la nourriture des personnes vulnérables.
  • Réaffirmer le besoin de réformes multilatérales visant la démocratisation de la gouvernance économique mondiale, avec par exemple un mécanisme de restructuration de la dette mondiale, une commission fiscale intergouvernementale de l’ONU, un mécanisme mondial d’évaluation des technologies.
  • Définir un cadre mondial de protection de la vie privée et des données personnelles, délimitant le droit à l’information dans le monde du numérique, rendant les compagnies numériques légalement responsables des violations et responsables de la protection des femmes, des jeunes, mais aussi des droits des travailleurse·s et des paysan·ne·s au cours des processus de numérisation touchant les secteurs de l’industrie, de l’agriculture et des services.
  • Promouvoir aux niveaux mondial et continental un mécanisme participatif, inclusif et transparent d’évaluation des technologies numériques avant que celles-ci ne soient développées et déployées.

DÉCENCE DU TRAVAIL ET DES TRAVAILLEUR·SE·S – NE LAISSER PERSONNE DE COTE
Le travail décent est au fondement de la dignité et du développement humains. Or, les plus pauvres et les plus marginalisé·e·s restent privé·e·s de l’accès à un travail décent. De nombreux facteurs sont en cause : l’extrême pauvreté, le genre,  l’exclusion en raison d’une place spécifique occupée dans les systèmes hiérarchiques sociétaux qui existent dans certains pays. Ces systèmes créent des groupes de population (par exemple les Roms en Europe, les Burakumin du Japon, les Quilumbolas du Brésil, les Bantous de Somalie, les Haratine de la région du Sahel et les Dalits d’Asie du Sud) que l’Histoire a exclus des sphères sociales, économiques et politiques et qui sont relégués au plus bas de leurs sociétés. Tout engagement social significatif leur est interdit, ils en sont réduits au travail forcé ou à l’esclavage, et ne sont pas inclus dans les prises de décision. Ils sont confrontés à de graves formes de violence physique, économique et psychologique, et à de multiples autres violations des droits humains, les femmes et les filles supportant les pires formes de violence. L’intersectionnalité est une réalité qui fait que celles et ceux qui cumulent différentes caractéristiques comme être femme ou enfant, jeune ou âgé, LGBTQI ou en situation de handicap ou avec le VIH, entre autres, sont confronté·e·s à de multiples formes de discrimination et de violence, ce qui les rend vulnérables parmi les plus vulnérables des communautés.
Les communautés discriminées en raison de leur travail ou de leur ascendance (DWD) sont composées de plus de 300 millions de personnes à travers le monde : comptées ensemble, elles constitueraient le 7è sous groupe plus vaste pays du monde. Les personnes touchées par les DWD sont exclues de façon historique et intergénérationnelle du fait de leur emplacement socio-politique dans les systèmes hiérarchiques sociétaux qui existent dans certains pays. Ces systèmes empêchent le développement socio-économique et politique des dites communautés à travers des systèmes d’exclusion qui ont été cimentés par le fil de l’Histoire. Il y a également des discriminations intersectionnelles : où les femmes, les enfants, les jeunes, les personnes en situation de handicap, entre autres, sont confrontées à des formes enchevêtrées de discrimination et de violence, ce qui les rend plus vulnérables encore au sein des communautés les plus vulnérables. Pourtant, ces personnes particulièrement marginalisées sont rarement prises en compte par celles et ceux qui travaillent sur les problématiques du développement.
Nos demandes :
Nous appelons les gouvernements à :
  • Ratifier et mettre en œuvre les conventions légalement contraignantes de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) sur le Travail Décent, et visant à mettre fin aux violences de genre sur les lieux de travail
  • Être les garants de législations et de politiques publiques soutenant le besoin de travail décent comme étant un droit fondamental, y compris à travers la mise en œuvre ciblée de lois, d’actions et de budgets
  • Faire en sorte que les ODDs et les autres processus internationaux reconnaissent les DWD en tant que forme de discrimination
  • Mettre en place des politiques publiques et des mécanismes de protection en faveur des communautés DWD
  • Fournir des données non agrégées quant aux progrès effectués, non seulement dans le travail d’identification des communautés DWD, mais aussi en termes d’accès aux services, d’allocations budgétaires, etc.
  • Mettre en œuvre des actions efficaces et ciblées portant sur l’éducation, l’emploi, la participation politique, l’accès à la justice, l’accès aux services et aux budgets.
  • Faire en sorte que celles et ceux qui sont mise·s de côté soient rendu·e·s capables de participation dans l’espace civique et politique
Nous appelons la société civile à :
  • Reconnaître ces communautés, et élaborer ensemble ce que pourrait être leur rôle et leurs stratégies propres

GENRE
L’égalité de genre est cruciale pour tous les objectifs de développement stipulés dans les ODDs. Les femmes, les filles et les personnes LGBTQI de tous âges continuent d’être marginalisé·e·s dans toutes les sociétés, à travers des structures et des institutions patriarcales qui les excluent des prise de décisions, entravent leur accès aux droits humains fondamentaux, restreignent leur mobilité et les confrontent au risque de la violence de genre. Nous vivons encore dans un monde où une femme sur trois fera l’expérience de la violence au cours de sa vie. Les groupes LGBTQI aussi sont particulièrement exposés à la violence. Les besoins mais aussi les rôles de plus de 500 millions de femmes âgées à travers le monde sont bien souvent passés sous silence. Le changement climatique, les conflits, les catastrophes et autres violations des droits humains touchent fréquemment les femmes et les filles en premier lieu et le plus durement. Mais le plus souvent, elles se trouvent exclues de la prise de décision quant aux réactions à adopter.  Il est temps de réaliser concrètement les droits des femmes et des filles tels qu’ils sont stipulés dans l’ODD 5. Jusqu’ici, les progrès réalisés quant à la plupart des barrières structurelles visées par l’ODD 5 sont restés insuffisants, y compris en matière de discrimination générée par des systèmes étatiques pourtant supposés faire respecter ces droits, mais aussi en matière de normes et de traditions sociales genrées qui affectent leur participation et leur qualité de vie. Les femmes et les personnes LGBTQI restent sous-représenté·e·s à tous les niveaux du leadership politique. Malgré l’existence de quotas pour la représentation des femmes en politique, ce sont bien souvent les plus privilégiées qui atteignent ces positions.  Sans même parler des plus marginalisées, la femme moyenne est habituellement exclue de ces opportunités du simple fait de la discrimination sociale et structurelle qui l’en empêche. Le travail des femmes est souvent non reconnu et non payé; même lorsqu’il est payé, les femmes sont systématiquement moins payées que les hommes, en particulier les femmes de couleur ou d’autres groupes marginalisés.  Les femmes sont bien plus présentes dans le travail précaire, où leurs droits liés au travail ne sont pas protégés et où elles se trouvent plus exposées encore à la violence de genre. C’est en utilisant une grille d’analyse intersectionnelle que le travail pour l’égalité des genres doit comprendre quelles sont les barrières rencontrées spécifiquement par les femmes et les groupes LGBTQI. Ceci implique de regarder comment se chevauchent et s’additionnent les barrières rencontrées par celles et ceux qui expérimentent tout à la fois le racisme, les discriminations fondées sur l’âge, la classe sociale ou la capacité physique, l’homophobie et l’hétéronormativité, la pauvreté et les autres formes de discrimination et d’oppression.
Nos requêtes:
Nous appelons les gouvernements et la communauté internationale, y compris la société civile et les acteurs multilatéraux :
  • A prendre des mesures plus significatives pour l’utilisation de données décomposées par sexe – et selon l’identité de genre – dans le monitoring des progrès sur tous les ODDs, en particulier sur l’ODD 5.
  • A montrer davantage d’investissement et de volonté politique, en réformant les structures institutionnelles et sociales qui marginalisent les femmes et les filles par la privation de leurs droits humains fondamentaux – y compris, mais non limité à : leur accès au système judiciaire, à un travail décent et à l’éducation.
  • A s’attaquer de front à la violence contre les femmes et les filles, en s’attaquant au patriarcat à tous les niveaux de la société et en garantissant l’accès à la protection et à la justice.
  • A développer de meilleurs mécanismes, plus inclusifs, garantissant l’accès des femmes à des positions de leadership en politique, dans le développement et dans les processus de construction de la paix.
  • A garantir la mise en œuvre des recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et de la Commission de la condition de la femme (CWS) des Nations Unies

PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
Les personnes en situation de handicap sont particulièrement vulnérables à la pauvreté, à l’inégalité et à la violence. Dans le monde, une personne pauvre sur cinq est en situation de handicap. De plus, les personnes handicapées sont particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique, comme la survenue, qu’elle soit lente ou rapide, de catastrophes naturelles, l’insécurité alimentaire ou encore l’effondrement d’infrastructures. Les femmes et les filles en situation de handicap sont particulièrement vulnérables à tout un spectre de violences, y compris à la violence de genre et aux violences sexuelles tant en temps de paix qu’en temps de conflits. Les personnes handicapées sont largement exclues des processus politiques, des processus de développement et de construction de la paix, et même lorsqu’elles se trouvent incluses, les voix comme les besoins des femmes et des filles en situation de handicap passent souvent inaperçues. Pour que les ODDs puissent être réalisables et effectifs, tout débat et action doit, de manière explicite et significative, garantir l’inclusion des personnes en situation de handicap. De plus, les résolutions internationales qui existent pour soutenir les droits des personnes handicapées ne sont pas respectées.
Nos requêtes :
Nous appelons les gouvernements et la communauté internationale, y compris la société civile et les acteurs multilatéraux :
  • À garantir que toutes les mesures, indicateurs, cibles et rapports s’intéressent concrètement aux personnes en situation de handicap, y compris en croisant ces données avec d’autres marqueurs d’identité comme le genre et l’âge
  • A faire en sorte que les données sur le changement climatique et sur l’environnement soient interrogées aussi du point de vue du handicap
  • À faire en sorte que l’aide humanitaire et que les programmes de développement mettent au centre les besoins des personnes en situation de handicap
  • A faire respecter les engagements exposés dans la Convention des Droits des Personnes Handicapées (CDPH), incluant le protocole optionnel ainsi que le 3ème commentaire général sur les femmes et les filles en situation de handicap.

ESPACE CIVIQUE
La société civile est sévèrement attaquée dans pas moins de 111 pays. Dans le monde entier, la répression d’un militantisme civique pacifique se poursuit sans faiblir, si bien que seuls 4% de la population mondiale vivent dans des pays où il existe un espace ouvert à la société civile.
C’est dans la censure systématique que la détérioration de l’espace civique se reflète le plus vivement, mais aussi dans des violations largement répandues du droit à s’assembler librement de manière pacifique, enfin dans le harcèlement, l’intimidation et la détention de militants issus de la société civile.
Les groupes qui sont les plus directement et les plus fréquemment sujets à cette répression comprennent les journalistes, les militants des droits des femmes et les chefs indigènes. Le militantisme environnemental est la forme de militantisme la plus dangereuse et la plus mortelle au niveau mondial. Le risque d’être tué est, pour les défenseur·e·s de l’environnement, notamment les chefs indigènes, les défenseur·e·s de l’eau et les militants du climat, trois fois plus élevé que pour les militants d’autres secteurs. En 2018, pas moins de 164 défenseur·e·s des droits humains et environnementaux ont été tué·e·s. Des données rassemblées par le Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits Humains indiquent que les attaques sur les défenseurs de droits travaillant sur les liens entre business et droits humains ont également augmenté ces deux dernières années.
L’espace civique est notre espace, ce n’est pas aux États de bien vouloir le donner ou le prendre. La répression de l’espace civique est l’un des indicateurs les plus significatifs des intentions d’un Etat et de sa capacité à accomplir ses engagements pris pour les ODDs. Nous n’accepterons pas plus longtemps ces violations de nos droits.
La communauté internationale est confrontée à une réalité troublante: mal partie pour parvenir aux buts inscrits dans l’Agenda 2030, elle n’est pas davantage à la hauteur de l’ambition requise par la science même pour garder le réchauffement mondial en-deçà des 1,5°. Face à cela, l’ONU doit redoubler d’efforts pour protéger et promouvoir l’espace civique. Il devient en effet de plus en plus évident que sans un engagement plus fort de la société civile dans les processus onusiens, y compris au niveau national avec les États membres, les solutions locales qui sont indispensables à la transformation radicale dont nous avons besoin pour réaliser les ODDs et pour contrarier le cours du changement climatique vont dramatiquement rester hors de portée. Pour changer le cours des choses et aller vers le monde que nous voulons, le monde auquel les responsables politiques, économiques et sociaux se sont engagés, la société civile doit être respectée et protégée.
Nous réitérons l’appel de Belgradequi exhorte les États membres des Nations unies à prendre de manière proactive des mesures pour endiguer la fermeture de l’espace de la société civile, pour mettre fin aux attaques perpétrées sur les défenseur·e·s des droits humains et pour étendre la participation démocratique, y compris s’agissant de l’Agenda 2030. Nous soutenons encore ladéclaration du Sommet des peuples sur le Climat, les Droits et la Survie humaine, qui s’est tenu à New York en Septembre 2019 et qui souligne le droit à être pleinement informé et mis en capacité de participer de manière significative à tous les processus de prise de décision concernant le climat.
Nos requêtes:
  • Que les États reconnaissent explicitement et publiquement la valeur intrinsèque de la société civile, et le lien qui existe entre une société civile vivace – y compris les mouvements sociaux, et le développement social, politique et économique d’un pays.
  • Que la communauté internationale reconnaisse publiquement l’insuffisance des approches actuelles pour assurer une veille sur les violations de l’espace civique, les documenter et en demander compte aux États ; qu’elle reconnaisse que ces approches devraient faire l’objet d’un solide audit.
  • Que les structures existantes soient renforcées et que d’autres soient formées pour faire en sorte que les citoyenne·s du monde aient effectivement voix au chapitre des affaires mondiales, y compris à travers une Assemblée Parlementaire des Nations Unies et une Initiative Citoyens du Monde reconnue par l’ONU.
  • Qu’il soit donné à l’Agenda 2030 le niveau de reconnaissance correspondant à l’importance de ses responsabilités en matière de réalisation des droits humains et des ODDs et en matière de gestion des déstabilisations ; cela doit se faire en élevant l’Agenda 2030 à un niveau institutionnel supérieur au sein de l’ONU. Le travail nécessaire pour mettre fin aux inégalités et pour garantir un développement soutenable requiert une priorisation bien plus grande de la part de l’ONU, que les actuels 8 jours de Forum politique de haut niveau (HLPF) durant l’ECOSOC de juillet.

DÉCLARATION FINALE
Partout dans le monde, dans chaque pays, chaque jour, des gens souffrent des impacts entremêlés de l’inégalité, de la pauvreté, de la violence, de la discrimination, de la militarisation, de la dégradation environnementale et du déclin de leurs droits. Nous n’acceptons plus cela comme norme. Le changement climatique menace nos existences et les enfants, les jeunes du monde entier nous demandent notre soutien. Nous, mouvements populaires, communautés et société civile, nous nous y engageons. Nous n’atteindrons pas nos engagements mondiaux sans nous préoccuper efficacement du changement climatique.
Les systèmes économiques, financiers et politiques concentrent le pouvoir et la richesse dans les mains de quelques un·e·s, favorisant un petit nombre d’individus, de pays et d’entreprises. La nature est le système qui soutient notre vie : lorsqu’elle est dégradée, polluée ou exploitée à outrance, les impacts pour notre sécurité alimentaire, notre approvisionnement en eau, la qualité de notre air et notre économie, sont catastrophiques.
Nous appelons les gouvernements du monde entier à  recevoir  nos requêtes et à y répondre au plus vite avec la détermination politique nécessaire. Nous appelons les gouvernements à respecter et travailler à la pleine réalisation des engagements mondiaux pris en 2015 sur les ODD et l’agenda 2030,   l’Accord de Paris, du Cadre de Sendai pour la Réduction des Risques de Catastrophes, de l’Agenda WPS (1325) . Il est impératif que les gouvernements soient attentifs à l’interconnexion de ces différents accords, y compris les accords portant sur le financement.
Nous nous engageons à travailler avec nos gouvernements pour répondre à ces exigences, nous nous engageons à demander des comptes à nos gouvernements concernant ces requêtes, et nous nous engageons à manifester les écarts entre engagements publics et réalités de terrain.
Notre monde s’embrase. Nous nous engageons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre ce feu et cortéges de malheurs hors d’état de nuire, afin que nous puissions vivre en paix et dignité, dans les limites de notre planète.



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